Le conte et le théâtre ne sont pas nécessairement deux genres littéraires facilement associables, puisque le premier se lit et le second se joue.
L’un sert de support à l’illustration d’une morale, tandis que l’autre a pris plusieurs formes strictes durant les siècles qui ont précédé.
Pourtant l’envie de raconter sur scène une histoire merveilleuse ne date pas d’hier : Shakespeare au XVème siècle jouait déjà avec les codes théâtraux pour proposer à ses spectateurs des récits envoûtants.
« Le Songe de Bernadette », c’est une nouvelle alliance du conte et du théâtre. Antoinette Cros Kachaner, son autrice, y raconte la rencontre entre deux frère et sœur, contraints de vivre ensemble pendant un an pour hériter de la maison léguée par leur mère, qui les a abandonnés à la naissance.
Une surprenante comédie sur le deuil et l’héritage familiale
Perdre un proche, c’est se rendre compte de sa propre mortalité : ce n’est donc pas par définition un sujet à plaisanteries. Et faire la découverte de l’existence d’un proche est tout aussi déstabilisant.
Les personnages de « Le Songe de Bernadette » les vivent pourtant simultanément.
Aussi, la comédie a rarement pu mettre en scène la souffrance éprouvée à la mort d’un être aimé, sujets plutôt abordés dans la tragédie et le drame.
Pourtant l’autrice a choisi de faire naviguer ses spectateurs d’une émotion forte à une autre, positive ou négative, en parallèle à celles éprouvées par ses personnages durant la pièce.
Une manière de mettre l’humain au premier plan de son œuvre.
J’avais un défi à relever, faire de ce sujet grave, une comédie à la fois légère et poétique […]
Antoinette Cros Kachaner
Une mise en scène qui oppose couleurs et obscurité
La scène transporte le spectateur entre le réel et le songe, entre obscurité et couleurs. De cette manière, il éprouve d’autant mieux les mêmes émotions que les personnages tout le long de la pièce.
L’opposition volontairement binaire du sombre et du coloré rappelle aussi le conte avec ses antagonistes et ses héros.
Les passages de la pièce durant lesquels les personnages vivent la dure réalité sont exclusivement en noir et blanc.
Les autres passages offrent aux spectateurs une vaste palette de couleurs : ce sont les moments de songe.
En somme, que ce soit dans la mise en scène ou l’écriture, « Le Songe de Bernadette » allie avec brio le conte et le théâtre.